Mon truc à moi, c’est les nouveau-nés, ceux qui vont mal. Je passe mon
temps à aller les chercher dans toutes les maternités de la région pour les
transporter vers le grand hôpital universitaire. Ordre, calme et gravité,
résumeraient bien le tableau.
Alors autant vous dire que les hurlements hystériques de cette maman dont
l’enfant vient de tomber du cinquième étage résonnent encore dans ma tête. Et
tandis que la voiture rugit, fendant les flots du trafic de sa sirène
stridente, je me prépare à la scène qui m’attend: Le sang, les cris, la foule,
les blessures. Un crâne sans doute. C’est le plus lourd à cet âge-là. Mais quel
âge d’ailleurs? “MON BEBE EST TOMBE, MON BEBE EST TOMBE”. Difficile d’en savoir
plus.
Même pas l’adresse. C’est l’annuaire inversé qui nous l’a fournie,
impossible de l’obtenir autrement. Ça correspondait au nom que l’appelant avait
donné. Sûrement la bonne, et de toute façon, on n’a pas le choix, il faut faire
vite, c’était la panique sur place !
On tourne dans la cité. Pas de numéros sur les entrées d’immeuble, des
allées qui se confondent avec les parkings, des passages sous les immeubles,
des tracés de rues interrompus qui reprennent plus loin. Autant se fier à la
chance. Ou aux gyrophares bleus des pompiers là-bas, ils viennent tous les
jours, ils doivent connaître.
Je les imagine, eux aussi: Face à un enfant l’affect reprend vite le
dessus. Ce doit être l’affolement général. Je les distingue de dos, je fonce
avec mes kilos de matériel... Mais qu’est-ce qu'ils f... ?!
Hilares. Ils sont hilares.
Et me désignent sans pouvoir articuler la tache de sang. Et le lapin. BEBE
lapin.
“Alors Doc? Tu montes pour réconforter la maman?”
"Drôle" d'intervention
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